les Anasazis
Cliff Palace, vestiges d'un site anasazi dans le parc national de Mesa Verde.
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Les Anasazis sont un ancien peuple indien dont la culture s’est développée dans le Sud-Ouest des Etats-Unis entre le premier siècle avant JC et le XVè siècle de notre ère. Leur culture est caractérisée par ses habitations troglodytes, son agriculture irriguée, ainsi que par son remarquable travail de la turquoise.
Le nom "Anasazi" signifie "les Anciens" dans la langue des Navajos. Les Anasazis vivaient dans la région de Four Corners, au carrefour des actuels états d’Arizona, du Nouveau-Mexique, de l’Utah et du Colorado, dans une région accidentée creusée de nombreux canyons et de cavernes.
Les Anasazis était des Amérindiens du sud-ouest de l'Amérique du Nord qui étaient répartis en plusieurs groupes dans les États actuels du Colorado, de l'Utah, de l'Arizona et du Nouveau-Mexique. Leur civilisation, similaire à certaines autres cultures d'Oasisamérique comme les Hohokams et les Mogollon, a laissé de nombreux vestiges monumentaux et culturels sur plusieurs sites, dont deux sont classés sur la liste du patrimoine mondial établie par l'UNESCO. Ces vestiges témoignent d'une maîtrise de techniques de céramique, de tissage, d'irrigation, d'observations astronomiques et d'un système d'expression pictural1. Actuellement, les descendants des Anasazis, les Zuñis et les Hopis de l'Arizona et du Nouveau-Mexique, perpétuent certaines de leurs traditions.
On ignore, faute de textes anciens, par quel nom les Anasazis se désignaient eux-mêmes. Cette civilisation ayant disparu avant l'arrivée des Européens en Amérique, on utilise depuis les années 1830 le mot « Anasazi » (mot inventé par les explorateurs militaires américains en écoutant les guides navajos évoquer les sites archéologiques où ces pueblos vivaient), signifiant « les anciens » ou « anciens ennemis » en langue Navajo pour désigner toutes les cultures vivant dans les Pueblos. Quand le mot « Anasazi » a été inventé par Richard Wetherill (en), la signification « ancien ennemi » n'était apparemment pas connue.
Quant aux Pueblos historiques, leur nom vient du mot espagnol « village », car les conquistadores avaient été frappés par l'architecture de leurs communautés. Les Américains utilisent aujourd'hui de plus en plus l'expression Anciens Pueblos.
Les Indiens Hopis utilisent le mot « Hisatsinom » signifiant simplement « anciens habitants » dans leur propre langue, plutôt que celui d'Anasazi, jugé trop péjoratif pour désigner leurs propres ancêtres. Enfin, il ne faut pas confondre la culture « anasazi » et les cultures semblables qui ont évolué dans la même région : les Hohokams, les Mogollons et les Patayans, des peuplades ayant disparu avant le XVIe siècle.On dispose de plusieurs types de sources pour reconstituer la civilisation des Anasazis :
Les récits traditionnels des pueblos amérindiens(les Puebloan peoples (en)), qui se transmettent oralement depuis des générations. L'artisanat et les croyances des descendants des Anasazis permettent de formuler un certain nombre d'hypothèses sérieuses.
Les témoignages des conquistadores espagnols qui explorèrent la région à partir du XVIe siècle. La plus importante de ces expéditions fut celle de Francisco Vásquez de Coronado qui était parti chercher les « cités d'or » de Quivira et Cíbola. Les chroniques et les lettres envoyées par les explorateurs sont une source précieuse d'informations, à condition de les prendre avec précaution. À la fin du XIXe siècle, le fermier Charley Mason et les frères Wetherill découvrirent les principaux sites anasazis.
Les fouilles archéologiques commencèrent vraiment avec le Suédois Gustaf Nordenskiöld (1868-1895). Le climat aride de la région a permis la bonne conservation de milliers d'objets faits de fibres végétales : atlatl en bois, flèches en roseau, tissus en coton, ou animales : tendons, cuirs. De même, le milieu sec a préservé plusieurs squelettes qui ont été étudiés par les anthropologues, et qui donnent des renseignements sur la santé, l'alimentation et la morphologie des Anasazis.
D'après les dernières théories formulées par les chercheurs, le peuplement du continent américain remonte à au moins 20 000 années. Les Paléoindiens se sont sédentarisés dans le Sud-Ouest de l'Amérique du Nord il y a environ 12 000 ans. Les préhistoriens ont exhumé les outils lithiques de cette population sur le célèbre site de Clovis. Elle chassait de grands animaux qui se sont éteints rapidement (mammouths...). Après la dernière glaciation (glaciation du Wisconsin), le climat est devenu plus chaud et sec. En Amérique centrale, les Olmèques pratiquaient la culture du maïs dès le IIe millénaire av. J.‑C. Ils ont été par la suite supplantés par la civilisation de Teotihuacán alors que se succédaient, dans le reste du Mexique, les Zapotèques (Oaxaca) et enfin les Aztèques, contemporains de l'apogée de la culture anasazie. Avec l'arrivée des conquistadores espagnols au XVIe siècle, les cultures amérindiennes ont connu des mutations radicales. Les grands empires se sont éteints, alors que les Indiens pueblos avaient déjà remplacé les Anasazis.
Des villages aujourd'hui abandonnés.
Ruines anasazies, Canyon de Chelly, dans l'Arizona
L'archéologie nous révèle une grande variété de maisons et de villages anasazis. Les plus anciennes habitations étaient bien modestes : il s'agissait de petites maisons primitives, chacune assez grande pour loger une famille. Elles étaient aménagées dans des fondations peu profondes (maisons-puits). Leur toit était constitué de terre et de branchages. Le foyer se trouvait au centre. Ces habitations primitives se sont regroupées à la faveur de la croissance démographique pour former des hameaux. Cette croissance des villages manifeste une organisation collective plus ou moins consciente de l'espace. À partir du Xe siècle, ces villages pouvaient abriter plusieurs centaines d'habitants. Ils s'implantent sur des sites de plateau (Chaco Canyon 950-1100) ou des abris naturels (falaises de Mesa Verde 1100-1300).
Les Anasazis savaient choisir des sites naturels exceptionnels pour s'installer : plusieurs villages ont été ainsi construits à l'abri d'imposantes falaises, au XIIIe siècle. Creusées dans les parois de gigantesques canyons, les habitations troglodytiques attirent toujours la curiosité des touristes. Ce type d'habitat présentait l'avantage d'offrir une protection contre la pluie ou la neige. L'orientation des villages préservait la communauté du froid en hiver et de la canicule en été. De plus, de tels sites constituaient un rempart naturel contre d'éventuelles attaques. En revanche, les champs étaient plus éloignés des habitations et moins accessibles pour leurs occupants.
Les matériaux utilisés pour les habitations. Wupatki National Monument, Arizona
Leurs murs étaient faits d'une sorte de torchis (appelé jacal au Mexique) appliqué sur un treillage. Les constructions les mieux conservées aujourd'hui comportaient une structure de pierres sèches, solidarisées par du mortier, et des briques cuites étaient parfois utilisées. Dans différents villages, certaines maisons ont gardé des traces de peintures décoratives8, sur des revêtements en plâtre, en argile ou en adobe.
Le toit était un couvert de couches d'argile et de branchages maintenus sur des rondins de bois. Les maisons ne comptaient qu'un seul niveau au début, mais pouvaient s'agrandir vers le haut, en y ajoutant un ou deux étages supplémentaires. Plusieurs pièces rectangulaires étaient réservées à l'entreposage de la nourriture au rez-de-chaussée. La vie quotidienne se déroulait surtout sur les terrasses de ces habitations : espace de travail pour la préparation du maïs, et le tissage, et espace de socialisation.
Dans les villages, les archéologues se sont beaucoup intéressés aux places (plaza) et aux kivas : ces pièces étaient dévolues au travail ou au repos dans les premiers temps. Les grandes kivas semblent avoir servi par après de lieu de cérémonies religieuses pour la communauté.
Agriculteurs sédentaires, les Anasazis cultivaient les champs proches de leurs habitations. Ils récoltaient le maïs, base de leur alimentation, les haricots, les courges, les calebasses et le tabac. Ces plantes étaient originaires de la Mésoamérique et occupent une place fondamentale dans les civilisations précolombiennes. Les champs s'étendaient sur les espaces plats (mesas, plaines...) jusqu'à 2 100 mètres d'altitude. Plus haut, les conditions climatiques rendaient la culture trop difficile. Leurs instruments aratoires étaient faits de pierre et de bois (houe, pelle, bâton à fouir...) : les Anasazis ne maîtrisaient pas les techniques de la métallurgie.
En revanche, ce peuple a progressivement adopté les techniques d'irrigation du Mexique : en puisant l'eau des fleuves (Rio Grande), et en constituant des réserves d'eau de pluie. La construction de petits barrages, de canaux et de réservoirs nécessitait une certaine organisation de la communauté.
Une partie du grain était entreposée en prévision des mauvaises récoltes. Certaines cérémonies religieuses devaient appeler la protection des esprits sur les récoltes. Le maïs et les courges étaient séchés et conservés. Les pommes de pin étaient détachées à l'aide de perches avant d'être chauffées pour enlibérer les pignons. Ces derniers étaient consommés directement, ou écrasés et préparés en galettes. Les graines de tournesol devaient être écossées et entreposées dans des jarres. Les céréales étaient gardées dans des récipients fermés, afin de les protéger des rongeurs et des insectes.
Au VIe siècle apparut un style de poteries décorées de figures (lignes, points) reprenant sans doute des décors simples de vannerie. Plus tard, le style devint plus complexe : des représentations d'animaux ou d'êtres humains furent dessinées. Les couleurs utilisées étaient différentes selon les régions : noir et blanc dans le Colorado, noir et rouge dans le nord de l'Arizona, rouge et chamois dans l'Utah. La poterie était souvent richement décorée de motifs incrustés, avant cuisson, au moyen de divers objets (épis de céréales, tige de yucca ou coquillages).
Même s'ils avaient renoncé au mode de vie nomade depuis des siècles, les Amérindiens du Sud-Ouest américain n'ont jamais complètement abandonné la chasse et la cueillette pratiquée par leurs ancêtres. Pignons, baies, fruits sauvages (figues de barbarie) constituaient une nourriture d'appoint. Ils trouvaient du gibier sur les plateaux (bisons, cervidés, antilopes) et dans les montagnes (cervidés, wapitis, mouflons). Les animaux plus petits (lapins, écureuils, oiseaux...) étaient capturés au moyen de pièges et de filets en yucca et constituaient la principale source de viande.
Les animaux plus grands étaient débités sur le lieu de chasse. La viande était accommodée en ragoûts ou bien hachée. On appréciait également la moelle des os et on gardait la peau et les tendons pour d'autres usages. L'élevage des dindes fournissait des plumes et leur viande était une source de protéines7. Comme les chiens, elles servaient aussi d'animal de compagnie.
Pour préparer le repas, on allumait un feu en frottant un bâton sur une plaque de bois. Le foyer était ensuite entretenu dans un trou creusé à même sol. Pour cuisiner, on se servait d'ustensiles en terre cuite, en bois ou en os. Pour faire bouillir de l'eau, on ne pouvait pas allumer un feu sous une poterie : cela l'aurait détruite. On déposait donc des pierres brûlantes au fond du récipient afin qu'elles chauffent le liquide.
Pour finir, on peut noter que des traces de cannibalisme ont été retrouvées sur d'anciens sites anasazi comme celui de Cowboy Wash (IXe et Xe siècles)9. Dans les années 1990, les archéologues Christy et Jacqueline Turner ont découvert des traces d'anthropophagie peut-être rituelle sur le site de Chaco Canyon.
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