PEUPLES AMERINDIENS indiens des Amérique

1854 Guerre des Sioux

 

 

LA GUERRE DES SIOUX DANS L'OUEST AMÉRICAIN

Robert M. Utley

(source: Terre indienne, Editions Autrement, mai 1991)

les illustrations sont le fruit de mes recherches

 

Les Sioux constituaient la plus puissante et la plus indépendante des tribus des plaines du nord. On distinguait les Sioux — Dakota, Nakota et Lakota — par la langue qu'ils parlaient. Au milieu du XIXè siècle, ils dominaient la prairie du Minnesota et de l'est du Dakota, ainsi que les plaines sans arbres qui s'étendent à l'ouest du Missouri, jusqu'aux Big Horn Mountains. En 1850, il devait y avoir environ vingt-cinq mille Sioux en tout, dont cinq mille Dakota, cinq mille Nakota et quinze mille Lakota.

Big horn mountains
Big Horn Mountains


La guerre entre les Américains et les Sioux commença le 19 août 1854 et fut déclenchée par un jeune sous-lieutenant intrépide, frais émoulu de la West Point Military Academy. Envoyé à Fort Laramie, un avant-poste de la piste de l'Oregon sur la North Platte River, John L. Grattan cherchait une occasion de montrer aux Sioux comment les Américains savaient se battre. Il se vantait de pouvoir écraser la tribu entière avec une poignée de fantassins et un obusier.

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West Point Military Academy Fort Laramie Stèle commémorative le massacre de Grattan


Grattan sauta donc sur l'occasion lorsqu'un émigrant raconta qu'un Indien de l'un des camps situés le long de la Platte avait tué une vache qui s'était échappée. Ayant obtenu la permission du commandant de son poste d'aller arrêter le coupable, Grattan se mit en route avec trente soldats d'infanterie. Arrivé au Village du chef sioux Brave Bear (Ours Brave), le lieutenant avança effrontément parmi les tipis, prépara deux pièces d'artillerie et réclama le coupable. Considérant que ce dernier ne se présentait pas suffisamment rapidement, Grattan ordonna à ses hommes d'ouvrir le feu. Brave Bear tomba sous la première rafale tandis que la mitraille d'un tir mal dirigé décapitait sans raison le haut des tipis.

Brave bear
Chef Sioux Brave Bear

Au grand étonnement de Grattan, les Sioux ne déguerpirent pas comme des lapins. Au contraire, les guerriers en colère prirent rapidement le dessus sur les fantassins, les mirent en déroute et poursuivirent à coups de feu les soldats qui s'enfuyaient dans la vallée. Un seul survivant parvint à rejoindre Fort Laramie où il mourut quelques jours plus tard de ses blessures.

Paradoxalement, le mode de vie des Sioux menacé par l'expansion blanche, le cheval et le fusil, était récent et issu de l'influence blanche. Ainsi, le cheval avait été introduit dans le Nouveau Monde par les Espagnols et s'était répandu de tribu en tribu au nord et à l'est du Nouveau-Mexique. Quant au fusil, il avait été introduit par les trappeurs et marchands français et s'était propagé à partir de la région des Grands Lacs.

Les Sioux connurent cette mutation culturelle au XVIIIè siècle. À l'époque, ils étaient encore concentrés dans la partie supérieure du Mississippi, chassaient à pied les petits animaux avec des arcs et des flèches, pêchaient dans les cours d'eau et cultivaient le riz sauvage dans les marais. Vers le milieu du siècle, ils commencèrent à se procurer des chevaux par le biais du troc et du vol. Les Sioux avaient appris à leurs dépens que si l'arc et la flèche suffisaient pour chasser, le fusil était indispensable pour combattre les tribus qui possédaient des armes à feu et, dès les dernières décennies du siècle, les Sioux en possédaient à leur tour. Les conflits avec les tribus voisines sont à l'origine de la poussée vers l'ouest des Sioux et de leur domination des Plaines du Nord au milieu du XIXè siècle.

L'INVASION

Le bison pourvoyait à une infinité de besoins : la fourrure pour se vêtir chaudement et pour le commerce, les peaux pour l'habillement et pour les tipis (tepees); l'estomac et les boyaux servaient à fabriquer des récipients pour la cuisine, le stockage et le transport, les os à façonner des outils ; enfin, la bouse séchée faisait office de combustible quand le bois manquait. Les Sioux chassaient également le cerf, l'élan, l'antilope, les oiseaux et les lapins mais c'était le bison qui gouvernait leur économie et, dans une large mesure, leur vie sociale, leur religion et leurs guerres.

La guerre régnait au cœur de la vie des Sioux.
« La guerre est leur souffle de vie »,
observa l'historien Francis Parkman. « À l'encontre de la plupart des tribus voisines, ils nourrissent une haine et une rancune féroces, transmises de père en fils, entretenues par des agressions et des représailles constantes. » La guerre était le chemin qui menait à la richesse, au prestige, à la domination sociale.

En lutte constante contre les tribus voisines, les Sioux de 1850 n'avaient cependant pas été sérieusement menacés par les Blancs. Au contraire, les négociants blancs de Fort Laramie et des autres postes étalés le long du Missouri supérieur fournissaient aux Sioux des produits manufacturés qui leur simplifiaient la vie ainsi que la poudre et les balles qui leur étaient devenues indispensables. Cependant, à la lisière orientale du territoire sioux, les colons avaient commencé à s'infiltrer dans la vallée du Minnesota et à implanter des fermes qui se développaient de façon menaçante. À la lisère méridionale de leur territoire, les Sioux voyaient des convois entiers d'émigrants à destination de l'Oregon et de la Californie qui brûlaient du bois, faisaient paître leurs bêtes et chassaient des animaux que les Indiens considéraient comme les leurs.

Sioux et bison
Sioux et bison


Pour le gouvernement américain, le meilleur moyen de régler ses relations avec les tribus indiennes restait la négociation. Mais les négociateurs blancs ne comprirent jamais la culture indienne et pensèrent donc à tort que les chefs qui signaient des traités pouvaient s'assurer l'assentiment de leur peuple. Par ailleurs, l'incompétence des interprètes et la tromperie délibérée des agents du gouvernement faisaient que les Indiens n'avaient pratiquement aucune chance de comprendre ce à quoi ils avaient donné leur accord. Les relations entre les deux peuples aux lisières orientale et méridionale du territoire indien furent à l'origine des traités.

Les premiers furent signés en 1851. À la lisière orientale du territoire sioux, les bois et les prairies qui entourent les sources du Mississippi, lieu de rencontre traditionnel des Indiens et des négociants, furent transformés en une région agricole prospère. Au cours des années 1850, la population blanche du territoire du Minnesota passa de six mille à presque deux cent mille habitants. Affaiblis, génération après génération, par les guerres incessantes avec les tribus voisines, les Sioux Santee acceptèrent cette invasion. Par le traité de 1851, ils vendirent leurs territoires de chasse pour la somme de trois millions de dollars, s'installèrent dans une étroite réserve le long du Minnesota supérieur, vivant en grande partie du paiement annuel en argent liquide stipulé par le traité. Un autre traité, signé en 1858, confina la réserve à un territoire encore plus exigu.

PAIX IMPOSÉE

A la demande du gouvernement, un grand nombre d'Indiens, représentant la plupart des tribus des Plaines du Nord, se rassemblèrent à Fort Laramie en septembre 1851. Si les Indiens comprirent le but des cadeaux que les agents du gouvernement leur distribuèrent, ils n'eurent en revanche qu'une idée très vague des complexités juridiques du traité. Celui-ci obligeait les tribus à ne se battre ni entre elles ni contre les Américains, à permettre aux États-Unis de construire des routes et d'établir des postes militaires sur leur territoire, à payer des indemnités pour tout dommage causé aux voyageurs blancs. Le traité déterminait par ailleurs une frontière pour le territoire de chaque tribu, et demandait à ce que chacune désigne un chef qui serait son représentant et interlocuteur auprès du gouvernement. En échange de quoi les tribus recevraient chaque année de la nourriture et des objets de première nécessité. Les chefs signèrent et les agents du gouvernement pensèrent qu'ils avaient ainsi acheté la sécurité des pistes.

Il n'en était rien. Presque toutes les clauses du traité violaient en effet des concepts profondément ancrés dans la culture indienne. Les guerres intertribales continuèrent tandis que les frictions entre les Indiens, les voyageurs blancs et les soldats en poste s'avivèrent. Tôt ou tard, un incident comme celui du massacre de Grattan en 1854 devait arriver et briser la stabilité précaire établie par le traité.

Un défi aux autorités américaines tel que celui du massacre de Grattan et de ses hommes ne pouvait pas rester impuni. Le gouvernement désigna le colonel William S. Harney pour organiser une expédition punitive à Fort Leavenworth au Kansas. En août 1855, Harney partit avec six cents dragons et fantassins, soutenus par l'artillerie, en direction de Fort Laramie.

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Fort Leavenworth Colonel William S, Harney


On désigna comme limite la Platte River. il fut décidé que les Indiens au nord de cette ligne étaient hostiles et que ceux au sud étaient pacifiques. Les Indiens qui avaient participé au massacre de Grattan s'étaient retirés loin vers le nord. Mais Little Thunder (Petit Tonnerre), qui se considérait comme pacifique, campait avec les siens le long de Blue Water Creek, un petit affluent de la Platte River.

Le matin du 3 septembre 1855, les troupes de Harney attaquèrent le village de Little Thunder, les dragons par le haut, l'infanterie par le bas. Abandonnant leurs biens, les Sioux battirent en retraite dans l'affolement général. Les dragons les poursuivirent et abattirent les fugitifs. « Cette poursuite fut une véritable hécatombe », rapporta le commandant des dragons.

Après l'attaque de Blue Water au cours de laquelle quatre-vingt-cinq Indiens trouvèrent la mort et soixante-dix femmes et enfants furent faits prisonniers, les Sioux appelèrent leur adversaire « le Boucher » et restèrent à bonne distance de ses tuniques bleues. Harney continua son avance, défiant les Indiens de se battre. En mars 1856, Harney appela les chefs teton à se rassembler. Ceux-ci signèrent humblement le traité qu'il plaça sous leurs yeux.

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Blue Water Creek Chef Little Thunder


La paix imposée par Harney fut une paix troublée qui dura sept ans. Il s'établit un mode de relation entre les États-Unis et les Sioux Tetons qui devait durer jusqu'à la fin des hostilités entre les deux peuples. Une partie de chacune des tribus se rassembla avec les « chefs du gouvernement » le long du Missouri et proclama ses sentiments pacifiques envers les Blancs. Ils continuèrent à chasser le bison mais devinrent de plus en plus dépendants des dons et des rations de nourriture que leur distribuaient chaque année les agents du gouvernement. L'autre partie de ces tribus alla s'installer à l'ouest du Missouri, à bonne distance des Blancs, combattant les autres tribus et continuant à vivre comme autrefois, dans une complète indépendance vis-à-vis des États-Unis. Quelques familles et même des groupes entiers faisaient des allées et venues entre les deux mondes, tantôt profitant des rations alimentaires des indiens « domestiqués », tantôt suivant les troupeaux avec les Indiens « sauvages ». Le souvenir de l'attaque de Harney contribuait à maintenir la paix.

Les hostilités furent à nouveau déclenchées non par les Sioux Tetons ni par les Sioux Santee dans le Minnesota où les tensions étaient plus vives. En effet, les immigrants allemands et scandinaves avaient encerclé leur réserve, les négociants détournaient régulièrement les fonds destinés aux Indiens, les missionnaires chrétiens cherchaient à convertir tout le monde.

La situation dégénéra le 17 août 1862. Ce jour-là, quatre jeunes Indiens étaient rentrés bredouilles de la chasse et l'un d'eux défia un autre de prouver son courage en tuant un Blanc. Cinq Blancs furent ainsi tués, ce qui catalysa la colère de la faction militante de la tribu des Santee. Leur chef, Little Crow (Petit Corbeau), décida à contrecœur de déclarer la guerre aux Blancs. Ce fut l'une des révoltes indiennes les plus sanglantes : en l'espace d'une semaine, huit cents Blancs furent massacrés.

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Chef des Sioux Santee Little Crow Colonel Henry H. Sibley


Les Américains organisèrent une expédition dirigée par Henry H. Sibley, ancien marchand de fourrure, premier gouverneur du Minnesota et colonel réserviste de l'État. Pendant les deux dernières semaines de septembre 1862, Sibley remonta la vallée du Minnesota avec six cents soldats. Les Sioux, affaiblis par les dissensions de leurs chefs, se replièrent en se dispersant. À Wood Lake, le 23 septembre, les régiments de Sibley balayèrent sept cents guerriers. Trois jours plus tard, les Indiens libérèrent quatre cents prisonniers blancs et, au cours des semaines suivantes, deux mille Sioux se rendirent les uns après les autres. Leur rébellion avait échoué. Sibley constitua une commission militaire afin de juger les guerriers accusés de crime et de pillage. Trois cent trois furent condamnés à mort. Sceptique quant à l'équité de ces mesures, Abraham Lincoln examina personnellement les actes du procès et libéra tous les condamnés sauf trente-huit qui furent pendus en décembre 1862.

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Wood Lake

 

LES CHEFS DIRIGEAIENT PAR L'EXEMPLE

Bien que la révolte du Minnesota ait été réprimée, la guerre des Sioux ne faisait que commencer. Le foyer des hostilités se déplaça simplement vers l'ouest, au Dakota.

Des expéditions, formées de volontaires, furent organisées en 1863, 1864 et 1865. Elles étaient dirigées par Sibley, promu général de brigade après Wood Lake, et par un autre général, Alfred Sully.

Au cours des opérations de l'été 1863, Sully eut du mal, à cause du bas niveau des eaux qui le freinait, à faire remonter le Missouri à ses mille deux cents hommes depuis l'Iowa. Pendant ce temps-là, Sibley avait acheminé avec succès un peu moins de trois mille hommes depuis le Minnesota et remporté trois victoires sur les forces

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Chef Inkpaduta

combinées des Santee et des Tetons. Fin juillet, un mois avant même que Sully n'atteigne le théâtre des opérations, Sibley était de retour dans le Minnesota. Il ne faut cependant pas oublier Sully qui réussit à s'emparer d'Inkpaduta, l'un des chefs de l'insurrection du Minnesota, et de son peuple fort de près de quatre mille personnes. Le 3 septembre 1863, au cours de la bataille de Whitestone Hill, Sully tua trois cents guerriers et captura deux cent cinquante femmes et enfants avant que les Indiens n'aient eu le temps de prendre la fuite.

L'été 1864, les deux généraux étaient de retour au Dakota. Sibley n'accomplit pas grand-chose mais Sully s'empara d'un important village de Teton que les Indiens, abandonnèrent en toute hâte après leur défaite, au terme d'un sévère affrontement. Le lendemain, les soldats américains détruisirent les tipis et tout ce qu'ils contenaient.

La défaite sur un champ de bataille affectait beaucoup moins les Sioux que l'occupation militaire constante des troupes de Sibley et Sully.

Durant la campagne de 1865, ni Sibley ni Sully ne combattirent. Les combats furent, en effet dirigés par un

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Général Patrick Ed. Connor

autre général, le très sûr de soi Patrick Edward Connor. En août et septembre 1865, Connor envoya trois mille hommes, répartis en trois colonnes, au cœur du territoire santee. L'offensive échoua. Les  tempêtes, la neige, des écarts de température énormes, le manque de ravitaillement et cette terre inhospitalière eurent raison des soldats. Près d'un millier de chevaux et de mules périrent, que les soldats mangèrent crus.

Cette désastreuse campagne avait coûté des millions, et Washington ordonna de réduire l'effectif des troupes dans la Plaine et de confiner les opérations militaires à la protection des routes. De plus, la guerre civile ayant pris fin, les régiments de volontaires demandèrent à être libérés. Les généraux durent donc se plier aux efforts de paix qui, à l'automne 1865, se concrétisèrent en traités avec les tribus des Plaines du Nord et du Sud.

L'arrêt des hostilités ne dura guère plus longtemps que les mois d'hiver. Sans les volontaires, l'armée régulière se prépara à continuer la guerre contre les Indiens. Les soldats vénéraient les chefs militaires : Ulysses S. Grant, qui allait bientôt devenir président des États-Unis, William Tecumseh Sherman, Philip H. Sheridan. Au pays indien, des noms comme George Crook, Nelson A. Miles, Ronald S. Mackenzie et George Armstrong Custer fascinèrent l'opinion publique dans les années d'après-guerre.

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Ulysses S. Grant William Teccumseh Sherman Philip H. Sheridan George Cook Nelson A. Miles Ronald S. MacKenzie George Armstrong Custer

 

Chez les Sioux, les hommes les plus habiles et les plus influents commençaient aussi à se distinguer. Au cours des combats, aucun chef ne dirigeait les opérations car chaque Indien faisait sa propre guerre. Aucun chef, que ce soit politique ou guerrier, ne parlait au nom de son peuple ni ne le dirigeait. Les tribus indiennes représentaient en effet la forme la plus pure de la démocratie et les chefs ne dirigeaient que par l'exemple qu'ils donnaient et le charisme qu'ils avaient. Ainsi se distinguèrent les chefs teton Spotted Tail (Queue Tachetée), Red Cloud (Nuage Rouge), Crazy Horse (Cheval Fou) et Sitting Bull (Taureau Assis).

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Chef Sioux teton Spotted Tail Chef Sioux Red Cloud Crazy Horse dessin non certifié Grand Chef Sitting Bull

 

L'ARRIVÉE DE CUSTER

La campagne d'hostilités suivante se concentra sur la piste Bozeman qui reliait la route de Platte River aux mines d'or qui venaient d'être découvertes à l'ouest du Montana.

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piste Bozeman en 1850 actuellement amérindiens le long de la piste


Les troupes américaines, qui avaient du mal à repousser les attaques indiennes contre leurs forts, ne purent défendre la piste. Celle-ci cessa d'être utilisée sauf par les gros convois militaires. Le colonel Henry B. Carrington commandait Fort Phil Kearney. Sans expérience de terrain, il était secondé par le capitaine William J. Fetterman qui, lui, à l'inverse, s'était beaucoup  battu pendant la guerre civile. Il considérait les Sioux à peu près de la même façon que Grattan douze ans avant lui. À la tête de quatre-vingts hommes, Fetterman se vantait de pouvoir chevaucher au milieu de toute la nation sioux.

Les Sioux décidèrent d'utiliser l'une de leurs tactiques préférées contre Fort Phil Kearny : le leurre. L'opération fut confiée à Crazy Horse (Cheval Fou), un jeune guerrier excessivement doué. Le capitaine Fetterman et ses quatre-vingts hommes tombèrent dans le piège et furent tous massacrés par quinze cents à deux mille indiens.

Des troupes fraîches furent envoyées dans les trois forts et des fusils à chargement par la culasse remplacèrent les vieux fusils à chargement par la bouche. Lorsque l'été revint, les Sioux préparèrent une autre offensive pour se débarrasser de ces forts tant haïs. Les nouveaux fusils se montrèrent efficaces, ce qui remonta le moral des troupes américaines. Ils ne réussirent cependant ni à vaincre Red Cloud ni à rouvrir la piste Bozeman.

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Colonel Henry B. Carrington Fort Phil Kearny Fort Phil Kearny Capitaine William J. Fetterman


Dans le traité de 1868, conclu à Fort Laramie, les Sioux remportèrent la victoire, en apparence du moins. Le gouvernement accepta d'abandonner la piste Bozeman et les forts qui la gardaient et de considérer que le territoire de Powder River était un « territoire indien non cédé ». Cependant, les autres dispositions du traité avaient des implications assez inquiétantes que les signataires comprenaient mal. Une réserve fut créée à l'est du territoire non cédé (tout l'actuel Dakota du Sud à l'ouest du Missouri). Le droit de chasse à l'extérieur de la réserve n'existait que « dans la mesure où les bisons s'y trouveraient en nombre suffisant pour justifier qu'on les chasse ». Qu'ils en aient eu conscience ou non, les Sioux venaient d'accepter d'être tôt ou tard confinés à une réserve.

Powder river

Quelques Teton et leurs alliés, Cheyennes et Arapahoes, se rendirent aussitôt dans la réserve pour recevoir la pension du gouvernement et se soumettre au mode de vie que les Blancs voulaient leur imposer. Parmi les chefs qui se rendirent dans la réserve se trouvaient Red Cloud et Spotted Tail. D'autres groupes, méprisant la réserve et tous ses pièges, restèrent sur les territoires non cédés. Peu à peu, ces hommes en vinrent à considérer Sitting Bull comme un conseiller et Crazy Horse comme un chef guerrier. D'autres groupes passaient d'un univers à l'autre, profitant des rations de nourriture de la réserve en hiver et chevauchant avec les chasseurs en été. En cela, les Sioux continuèrent un mode de vie amorcé après le traité de 1851.

Les Indiens qui restaient en permanence sur les territoires non cédés ennuyaient beaucoup les agents du gouvernement. Bien que ne regroupant que trois mille Sioux et quatre cents Cheyennes, ils étaient une source de problèmes sans commune mesure avec leur nombre. En effet, ils ne restaient pas tranquillement sur leur territoire mais attaquaient les tribus qui avaient accepté l'aide gouvernementale ainsi que les Blancs installés dans l'ouest du Montana.

Les premières pressions directes sur les bandes de chasseurs, que les autorités gouvernementales qualifiaient désormais d'« hostiles », vinrent de la compagnie de chemins de fer du Pacifique nord (Northern Pacific Railroad) qui avait atteint le Missouri en 1873 et se dirigeait vers la vallée de Yellowstone. Bien que le traité de 1868 ait stipulé la possibilité de construire des voies ferrées, les guerriers de Sitting Bull, qui s'affrontèrent plusieurs fois aux tuniques bleues, indiquèrent clairement leurs sentiments quant à cette intrusion sur leur territoire.

L'expédition de Yellowstone de 1873 fit venir dans les Plaines du Nord un homme que la dernière guerre contre les Sioux devait immortaliser, George Armstrong Custer. Après cette expédition, au cours de laquelle sa cavalerie s'affronta à deux reprises aux guerriers sioux, Custer stationna à Fort Abraham Lincoln, un nouveau poste sur le Missouri, à Bismark, terminus de la voie ferrée du Pacifique nord.

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Blockhouse vestige de Fort Abraham Linclon

 

La colère des Indiens contre la voie ferrée du Pacifique nord passa au second plan lorsque survint une seconde menace, celle des Black Hills qui n'étaient pas un territoire non cédé mais la grande réserve sioux. Le bruit courait qu'il y avait de l'or dans le Dakota et les citoyens américains faisaient pression sur le gouvernement pour pouvoir aller explorer ce que cachaient ces lointaines montagnes qu'étaient les Black Hills. Le général Phil Sheridan, qui commandait la division militaire où se trouvaient les Plaines du Nord, voulait lui aussi en savoir plus sur les Black Hills car il avait décidé d'établir un fort dans cette région afin de surveiller les Sioux. Il confia l'opération à Custer de Fort Lincoln.
Au cours de l'expédition des Black Hills, l'été 1874, Custer trouva un emplacement adéquat pour un fort mais, surtout, ses hommes trouvèrent de l'or. Le messager chargé des dépêches officielles ébruita la nouvelle. Les journaux titrèrent à la une « De l'or dans les Black Hills ! »

Les black hills
les Black Hills

 

Avant que l'année ne soit écoulée, les chercheurs d'or s'étaient précipités dans les montagnes et, dès le printemps 1875, les campements se mirent à pousser comme des champignons dans les vallées. En vain, l'armée essaya de repousser les chercheurs d'or. En vain, le gouvernement tenta de convaincre les Sioux de vendre cette partie de leur réserve. Les Indiens étaient certes sur les territoires non cédés, conformément au traité. Mais leurs agressions contre les tribus alliées des Américains et les quelques attaques qu'ils avaient perpétrées contre des colons et des voyageurs blancs fournirent au gouvernement un prétexte pour accuser les Indiens de n'avoir pas respecté le traité. Début 1875, des messagers furent envoyés pour poser un ultimatum aux hommes de Sitting Bull: présentez-vous à une réserve gouvernementale avant
le 31 janvier 1876, sinon vous serez considérés comme hostiles et susceptibles de subir des attaques militaires.

Comme les Indiens ne donnèrent aucun signe de vie, le général Sheridan tenta d'organiser deux rapides expéditions qui permettraient de mettre fin à la guerre avant le printemps. L'expédition qui devait être menée par Custer à l'ouest de Fort Lincoln fut sans cesse repoussée à cause de la neige qui empêchait l'approvisionnement.

Le général George Crook était chargé de l'autre expédition. Il était à la tête de neuf cents hommes qui, pendant trois semaines, luttèrent contre le vent, la neige et un froid glacial à la recherche des Indiens. Lorsque, enfin, les éclaireurs trouvèrent une piste, Crook chargea le colonel Joseph J. Reynolds et sa cavalerie de la suivre. À l'aube du 17 mars 1876, Reynolds attaqua un village de Sioux et de Cheyennes dans la vallée de Powder River. Pris de surprise, les Indiens s'enfuirent mais ne tardèrent pas à contre-attaquer avec une telle violence que les soldats américains battirent en retraite. Écœurés, à court de ravitaillement, le général et ses troupes épuisées rentrèrent à Fort Fetterman.

LA DÉFAITE DE CUSTER

L'attaque de Powder River avait alerté les Indiens chasseurs qui se regroupèrent et organisèrent leur défense.
Parallèlement. l'exode printanier des Indiens sous contrôle gouvernemental, accru par la fièvre de la guerre et les tensions des Black Hills, vint grossir de plusieurs milliers de Sioux et de Cheyennes le camp de Sitting Bull et de Crazy Horse sur les territoires non cédés.

La campagne d'hiver de Sheridan se transforma en campagne d'été: à la mi-juin 1876, trois colonnes armées dirigées par le général Crook, le colonel John Gibbon et le général Alfred H. Terry, convergèrent en direction des Sioux dans la région de Powder et de Yellowstone.

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Général George Crook Colonel John Gibbon Général Alfred H. Terry


Pendant ce temps, les Indiens s'étaient déplacés vers l'ouest et la vallée de Rosebud. Le 14 juin, les Sioux fêtèrent comme chaque année leur cérémonie sacrée de renouveau spirituel, la Danse du Soleil. Sitting Bull eut la vision que tout son peuple attendait. Il prédit une victoire triomphale pour les Sioux avec beaucoup de morts dans les rangs américains "qui tomberaient comme des mouches dans notre camp." Cette vision prometteuse électrisa le peuple sioux.

En vérité, les soldats n'étaient pas loin. Les éclaireurs indien signalèrent qu'une colonne bleue s'avançait par le sud. Plusieur centaines de guerriers partirent à leur rencontre pour les combattre. Il s'agissait des soldats du général Crook. Parce que les attaquants quittèrent les premiers le champ de bataille, Crook cria victoire. À tort, car en réalité Crook rentra se ravitailler à la base à un moment critique de la campagne.

Ravis, les Indiens déplacèrent leur village dans la vallée d'un cours d'eau qu'ils appelaient Greasy Grass et les cartes d'état major Little Big Horn. Dans la semaine qui suivit la bataille de Rosebud, les Indiens des réserves vinrent grossir le village qui doubla de taille et passa à sept mille habitants dont environ deux mille guerriers, répartis en cinq tribus sioux et une tribu cheyenne.

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Greasy Grasse River


Le colonel Gibbon et le général Terry ignoraient la débâcle de Crook. Leurs éclaireurs signalèrent qu'une trace indienne remontait le Rosebud et les officiers en déduisirent qu'ils trouveraient le village à Little Big Horn. Selon le plan de Terry, Custer devait remonter le Rosebud avec sa cavalerie puis investir Little Big Horn dont la vallée serait par ailleurs bloquée par Terry et Gibbon. Si tout se passait normalement, Custer attaquerait l'ennemi par le sud tandis que Gibbon intercepterait les fugitifs éventuels par le nord. Gibbon serait prêt le 26 juin.

Le 22 juin, Custer passa en revue son régiment, six cents hommes. "Loin de nous l'idée que c'était la dernière fois que nous le voyions", raconta l'un d'eux.

Deux jours plus tard, le 24 juin, la piste indienne tournait à l'ouest en direction de Little Big Horn, comme prévu. Mais la piste révélait aussi des traces fraîches, celles des Indiens des réserves venus rejoindre leurs frères. Le village devait être juste de l'autre côté de la montagne, à moins d'un jour de marche. Custer prit alors une décision très controversée : suivre la piste, cacher son régiment pendant la journée du 25 juin pour laisser à Gibbon le temps d'atteindre sa position, puis attaquer.

Un concours de circonstances vint contrecarrer son projet. A l'aube, ses éclaireurs, postés au sommet d'une montagne, détectèrent le camp ennemi à vingt-cinq kilomètres à l'ouest. Ils découvrirent en même temps plusieurs groupes de Sioux dans les parages. Custer comprit aussitôt qu'il devait changer ses plans. À moins d'attaquer tout de suite, les Indiens s'éparpilleraient comme d'habitude et il n'y aurait plus personne à attaquer.

Ce jour-là, le 25 juin 1876, la chance légendaire de Custer l'abandonna. Ne connaissant ni le terrain ni l'emplacement exact du camp indien, il était obligé d'avancer à l'aveuglette et d'organiser son offensive au coup par coup. Lorsqu'il eut suffisamment d'informations pour agir en conséquence, il était trop tard.

Custer envoya le capitaine Benteem vers le sud. Prenant un chemin plus direct vers Little Big Horn, Custer débusqua un groupe d'environ quarante guerriers sioux. Au même moment, des nuages de poussière lui indiquèrent enfin l'emplacement exact du village indien. Il chargea le commandant Reno et trois compagnies supplémentaires d'attaquer le village et lui promit le renfort des cinq compagnies qui restaient sous ses ordres.

Reno prit presque les Indiens par surprise mais ne vit aucun signe des renforts que Custer lui avait promis. Avant d'atteindre les premiers tipis, qui appartenaient à Sitting Bull et aux Hunkpapa, Reno ordonna à ses troupes de mettre pied à terre. Un homme sur quatre emmena quatre chevaux à l'arrière. Les Sioux les encerclèrent par la gauche puis apparurent par l'arrière.

Little big horn
 

Au bout de quinze minutes, Reno décida de se replier dans la forêt, à sa droite, mais l'abondance de la végétation entrava sa maîtrise de la situation et la communication de ses ordres. Les Indiens se rassemblèrent de l'autre côté de la rivière pour attaquer par l'arrière.

Après une demi-heure, Reno jugea sa position intenable. Décidé à atteindre les hauteurs de l'autre côté de la rivière, il ordonna à ses hommes de se remettre en selle. Ils traversèrent la vallée au plus vite, attaqués par les Indiens sur leur flanc droit et à l'arrière. Arrivé au sommet, Reno, démoralisé, compta les pertes : quarante morts, trente blessés et dix-sept disparus.

Lorsque le capitaine Benteen arriva, suivi de ses mules de bât, les Indiens se replièrent. Des coups de feu tirés en aval indiquèrent que les combats reprenaient ailleurs. Les soldats se ressaisirent et, sans qu'il soit vraiment besoin de donner des ordres, se dirigèrent vers le théâtre des opérations. La fumée et la poussière gênaient la visibilité et les Indiens repoussèrent les compagnies vers les hauteurs d'où ils venaient.

Sans le savoir, les compagnies de Reno et de Benteen venaient d'assister aux derniers instants des troupes de Custer. La bataille avait duré environ une heure. Custer et plus de deux cents officiers et soldats avaient péri. Il n'y eut aucun survivant.

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Marcus Reno Fréderic Benteen


Sur leur colline, à six kilomètres au sud, Reno et les sept compagnies qui restaient repoussèrent les attaques indiennes jusqu'à la nuit durant laquelle ils s'entourèrent d'une ligne de défense.

À l'aube, un coup de feu ouvrit le second jour des hostilités. Pendant toute la journée, sous une chaleur écrasante, les Indiens tirèrent sur les tuniques bleues. A deux reprises, ils arrivèrent si près que les officiers ordonnèrent aux hommes de charger. Tous, mais surtout les blessés, étaient torturés par la soif. Sous le feu ennemi, un détachement descendit la pente escarpée jusqu'à la rivière pour s'approvisionner en eau. Dans l'après-midi, la fusillade cessa.

Les Sioux et les Cheyennes avaient arrêté le combat. Leurs éclaireurs les avaient avertis que d'autres soldats arrivaient par le nord et ils levèrent le camp, ne voulant pas exposer leurs familles à un autre combat contre les tuniques bleues.

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Chefs Sioux survivants de la bataille de Little Big Horn

 

Alors que le soleil descendait à l'horizon, le soir du 26 juin, les soldats en poste sur les hauteurs virent des feux s'allumer dans la vallée. Un épais mur de fumée s'élevait qui cachait le village indien. Vers sept heures du soir, les soldats stupéfaits virent un long défilé émerger du rideau de fumée: des cavaliers, des femmes et des enfants à pied, des travois, des chevaux et des chiens. La file indienne gravit lentement le flanc ouest de la vallée et se dirigea vers les Big Horn Mountains. En bas, dans la vallée, il ne restait plus que les débris éparpillés du camp indien.

Le lendemain matin, 27 juin, alors que la colonne du colonel Gibbon, le général Terry à l'avant-garde, parcourait le camp déserté, la raison de l'exode indien apparut clairement. L'éclaireur-chef de Gibbon avait déjà répondu à la question qui brûlait les lèvres de chacun. En aval, les éclaireurs indiens du colonel avaient trouvé éparpillés dans le ravin les corps mutilés des cinq compagnies de Custer. Au total, la moitié du septième régiment de cavalerie avait été tué ou blessé, deux cent dix morts y compris Custer. Quand Reno avait quitté la vallée et battu en retraite vers les hauteurs, cinquante-trois autres soldats avaient été tués et soixante blessés. Combien d'Indiens avaient payé la victoire de leur vie, on ne le saura jamais car la plupart des morts furent emportés par les survivants. Les estimations vont de trente à trois cents.

Little big horn credits aboveicefog licence creative commons
Cimetière sur le site de la bataille de Little Big Horn

 

LE DERNIER CHEF À LÂCHER LE FUSIL

Le triomphe des Indiens leur apporta la défaite. En effet, l'Amérique était en colère et les renforts affluaient au pays des Sioux. Mis à part un modeste affrontement à Slim Buttes, non loin des Black Hills, les fugitifs évitèrent aisément l'armée. Mais les tuniques bleues qui étaient restées pendant l'hiver se montrèrent les adversaires les plus redoutables. Pendant le rude hiver 1876-1877, ces fantassins – que les Indiens appelaient "Marche-en-tas" — s'étaient installés dans  un cantonnement rudimentaire au confluent de la Tongue River. À leur tête était un jeune officier, le colonel Nelson A. Miles, qui avait la même détermination et la même pugnacité que feu le général Custer. Les Indiens le surnommèrent « Peau d'Ours » après l'avoir vu emmitouflé dans sa tenue d'hiver. Au sud, le général Crook dirigeait une autre opération.

Nelsonmiles3 Dull knife
Colonel Nelson A. Miles Chef Cheyenne Dull Knife


Crook marqua les premiers points. Le 25 novembre 1876, il envoya le colonel Ronald S. Mackenzie et sa cavalerie attaquer le village cheyenne de Dull Knife (Couteau Émoussé), comprenant cent quatre-vingt-trois foyers et situé dans un canyon des Big Horn Mountains. Au terme d'un rude affrontement, Mackenzie infligea aux Indiens une défaite terrible et plus de mille Cheyennes se retrouvèrent au cœur de l'hiver sans abri ni nourriture.

Mais une fois de plus, Crook abandonna le théâtre des opérations et laissa Miles continuer la campagne d'hiver. À la bataille de Wolf Mountain, le 8 janvier 1877, ce dernier s'affronta à Crazy Horse et à quelque six cents guerriers sioux et cheyennes. Les tirs d'artillerie et la charge des fantassins eurent raison des Indiens. « Nous avons montré aux assassins de Custer, écrivit Miles, que nous les frapperions sans répit tant qu'ils oseraient se montrer. »

Wolf mountain
Wolf Mountain


La résistance indienne commença à s'effriter. En janvier 1877, Sitting Bull et les Hunkpapa partirent se réfugier sur le territoire de l'« Ancienne », la reine Victoria. Pendant ce temps-là, Crazy Horse et sa tribu oglala ainsi que les Cheyennes rescapés de l'attaque de Mackenzie perdaient courage car « Peau d'Ours » les harcelait sans cesse. Au printemps, les Cheyennes se rendirent au colonel Miles, à Yellowstone, mais par une ironie du sort qu'il n'oublia jamais, les émissaires de Crook persuadèrent les Sioux d'aller au sud se rendre à Crook. Tout au long du printemps 1877, de petits groupes se rallièrent silencieusement aux réserves de Red Cloud et de Spotted Tail. Puis, le 6 mai, Crazy Horse et ses principaux chefs, accompagnés d'un millier de personnes, se présentèrent devant Crook pour lui annoncer qu'ils renonçaient au sentier de la guerre.

Pour le gouvernement, Crazy Horse représentait un danger presque plus grand dans une réserve qu'à l'extérieur. C'était un homme qui n'avait jamais connu que la liberté de la Plaine. Dans la réserve il devint de plus en plus silencieux, taciturne, arrogant et despotique. Début septembre 1877, le général Crook finit par donner l'ordre de l'emprisonner. Il y eut une échauffourée. On ne sait pas si la blessure mortelle fut le fait de son propre couteau, de celui d'un autre Indien ou de la baïonnette du garde mais, cette nuit-là, le grand chef des Oglala s'éteignit. "C'est bien ainsi, déclara un autre chef sioux. Il voulait la mort et elle est venue à lui."

Bien que les Sioux et les Cheyennes aient été écrasés, on ne pouvait pas considérer que la guerre fût vraiment finie tant que Sitting Bull était dans la nature. De plus, quelque deux mille Sioux qui avaient été sous la houlette de Crazy Horse s'étaient enfuis après sa mort et avaient doublé le nombre d'Indiens réfugiés auprès de Sitting Bull. Au Canada, les Sioux s'entendaient bien avec les policiers à tunique rouge de l'« Ancienne » mais il n'y avait pas assez de gibier pour que tous mangent à leur faim. Il était donc inévitable que les Indiens traversent la frontière pour aller chasser le bison dans le Montana. Et là, « Peau d'Ours » et ses soldats patrouillaient sans arrêt, prêts à tirer sur tout Indien repéré au sud de la frontière.

La faim affaiblit rapidement les troupes de Sitting Bull; peu à peu, de petits groupes abandonnèrent la partie et retournèrent aux États-Unis. Le chef obstiné déclarait pour sa part : « Tant qu'il restera ici un seul écureuil à manger, je ne rentrerai pas. » Mais, le 19 juillet 1881, accompagné de moins de deux cents personnes réduites à un dénuement complet, il se présenta à Fort Buford, dans le territoire du Dakota. Il confia sa Winchester à son fils de huit ans et le chargea de la remettre au commandant du fort. « Je veux qu'on se souvienne que j'ai été le dernier chef de ma tribu à lâcher mon fusil, dit-il, et qu'aujourd'hui je vous l'ai donné. »

Fort buford barracks 2010
Fort Buford actuellement


Bien qu'il ait rendu les armes, Sitting Bull ne s'était pas plié au mode de vie que le gouvernement voulait imposer aux Sioux dans ses réserves. Le gouvernement voulait en effet que tous les Indiens imitent les Blancs, deviennent des fermiers cultivant paisiblement la terre, habillés comme tout le monde, envoyant leurs enfants à l'école et adorant le Dieu des chrétiens. Sitting Bull résista farouchement contre les programmes de « civilisation » qui finirent néanmoins par s'infiltrer dans son peuple.

Dix ans de ces programmes laissèrent aux Sioux une empreinte de colère et d'amertume doublée d'un sentiment d'impuissance et de désespoir. Ce sentiment fut accru par plusieurs saisons de sécheresse qui anéantirent leurs cultures, par la disette allant jusqu'à la famine due à un rationnement de nourriture décrété par un Congrès soucieux d'économie, par des épidémies et enfin par les commissions gouvernementales qui cherchaient à leur confisquer des territoires supplémentaires. « Ils nous ont promis beaucoup de choses, raconta un vieux Sioux, beaucoup plus que je ne peux me rappeler, mais ils n'ont tenu qu'une seule promesse: ils nous ont promis de prendre nos terres et ils l'ont fait. »

Accablés de malheur, les Sioux reprirent espoir lorsqu'en 1890 survint une nouvelle religion venue de l'ouest qui promettait des solutions spirituelles aux détresses que la guerre ne pouvait plus résoudre. Ces nouveaux prêtres peignirent des fresques détaillées d'un monde nouveau peuplé uniquement d'Indiens, où le bison et les autres gibiers abonderaient à nouveau et où les générations d'Indiens disparus renaîtraient. Tous vivraient éternellement heureux dans un monde d'où les maux auraient disparu. En dansant la « Danse des Fantômes » et en appliquant les autres points de la doctrine, les Indiens pouvaient faire advenir l'ère nouvelle.

Bien que fondée sur la paix, cette doctrine eut l'effet d'un cri de guerre sur les Sioux. Les adeptes indiens de la nouvelle religion, Short Bull (Taureau Trapu) et Kicking Bear (Ours en colère) prophétisèrent que l'on pourrait hâter le jour de la délivrance en ne laissant pas aux dieux seuls le soin de faire disparaître les Blancs. L'administration des réserves et les colons du Nebraska et du Dakota prirent peur.

Short bull 1 Kicking bear 1
Chef Short Bull Chef Kicking Bear


Le 20 novembre 1890, la cavalerie pénétra dans les réserves de Pine Ridge et de Rosebud, galvanisant les Sioux et les repoussant vers un plateau appelé Stronghold. À la tête des troupes était Nelson A. Miles, qui avait été promu général de division, le même « Peau d'Ours » qui avait battu les Sioux treize ans auparavant.

À l'aube du 15 décembre, quarante-trois « poitrines de fer », les policiers indiens, entourèrent la hutte de Sitting Bull pendant que les officiers y pénétraient et procédaient à son arrestation. Provoqué par ses hommes qui s'étaient rassemblés autour de lui, le vieil homme poussa un cri de défi, déclenchant une fusillade. Tandis que leurs camarades s'effondraient sous les balles, les policiers tirèrent à bout portant dans la tête et la poitrine du vieux chef. Ironie du sort, celui qui avait été l'artisan de la coalition indienne et avait massacré Custer et ses hommes, était tué par les siens.

REDDITION COMPLÈTE

Au sud, les efforts étaient concentrés pour faire descendre les danseurs de Stronghold et empêcher d'autres de s'y rendre. Big Foot (Grand Pied) et sa troupe de Miniconjou avaient décidé de se rendre à Pine Ridge pour essayer de négocier la paix. Mais l'armée pensa qu'il voulait se rendre à Stronghold et envoya des patrouilles pour lui couper la route. Une patrouille les trouva et les escorta jusqu'au camp de Wounded Knee Creek.

Bigfoot
Chef Miniconjou Big Foot


Personne ne s'attendait à un combat, mais celui-ci eut lieu. Pratiquement les deux tiers de la troupe de Big Foot furent tués, au moins cent cinquante morts et cinquante blessés. Les pertes s'élevaient à vingt-cinq morts et trente-neuf blessés dans l'armée américaine.

La bataille de Wounded Knee anéantit les efforts de paix de l'armée mais le général Miles exploita habilement la confusion et les dissensions parmi les chefs sioux. En alliant la force et la diplomatie dans de justes proportions, il transforma l'incident de Wounded Knee en une reddition indienne complète, le 15 janvier 1891.

Six jours plus tard, une grande revue militaire marquait la fin de la campagne de la Danse des Fantômes et des guerres indiennes de l'Ouest.

Alors que, depuis le sommet des collines, les Sioux regardaient stoïquement la scène et que le vent d'hiver faisait battre les tuniques colorées des soldats, les régiments défilèrent les uns après les autres devant le général Miles.

Ce n'est pourtant pas cette grande parade militaire de Pine Ridge qui symbolisa la fin de la frontière indienne mais une scène poignante qui s'était déroulée à Fort Yates, près de la réserve de Standing Rock, le 17 décembre 1890, quinze jours avant Wounded Knee. Pendant que dans le cimetière de la réserve, une compagnie d'infanterie tirait une salve d'honneur au-dessus des tombes des policiers indiens tombés au combat et que retentissait la sonnerie aux morts, à Fort Yates, un détachement de prisonniers militaires, sans cérémonie, jetait des pelletées de terre sur une tombe fraîche dans laquelle se trouvait un cercueil de bois brut. Il contenait, enveloppée dans une toile grossière, la dépouille de Sitting Bull.

 

 

Traduction de l'américain par Manuela Dumay.

 

voir les images sur le massacre de Wunded Knee ci dessous

 

 

 

Date de dernière mise à jour : 30/09/2021

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